CHAPITRE 1 (début)
Le soleil du matin s’évertue à se faufiler par la fenêtre. Les claires-voies brunes lui barreront l’accès la journée entière. Pas de lumière. Pas d’air. Un placard à balais. Le flic ferme la vitre d’un coup de paume convulsif. Le bruissement de la circulation qui sature l’entrée d’Aix-en-Provence s’estompe. Allongée tel un cadavre sous l’écran, la centrale de l’ordinateur hoquette sous les ronrons de la ventilation.
Une accumulation d’odeurs de kebab, de cartons à pizza éventrés, de tabac froid et d’existences indigestes stagne dans le bureau. Kathy empoigne du regard les trainées grisâtres sur la cloison livide qui lui fait face. Elle s’y cramponne comme sa fille à la ligne continue sur le bitume quand le mal des transports la saisit. «Suis la route Jade pour pas vomir». Elle lui dit toujours. La nausée monte du ventre vide de Kathy. Ses yeux lâchent le mur, s’affolent, attrapent un point jaune, une figurine Pokémon, un coup de soleil sur le pied de l’écran, puis une tasse aux couleurs de l’OM posée devant un tas de dossiers. Un instant, l’idée de la viser comme elle le ferait pour un sac de frappes la prend. Elle veut un café. Une douche. Le corps entretenu à la musculation et à la bière du flic tombe sans pitié pour la chaise qui recule et crisse sur le sol. Un rappel à l’ordre.
— Donc, on y va : Cathy Ripaud épouse Andrieu ?
Le cœur de Kathy s’emballe au rythme effréné de la danse sur le clavier des doigts de ce qui ressemble à un lieutenant. Elle fixe l’iris de l’OPJ, d’un noir aux reflets de glace et de fatigue, avant de suivre son index nerveux, strié de poils sombres, tapotant le bureau, impatient de se jeter sur les touches de l’ordinateur.