Depuis des semaines, Sam marchait dans la nature, sans trop savoir où il allait, pour fuir un passé dont il ne se remettait pas, à la recherche d’une hypothétique rédemption. Avec l’espoir secret qu’un jour, au gré des rencontres et du temps qui passe, il parviendrait à se pardonner l’impardonnable.
PRESQUE LIBRE raconte, à travers une longue errance, peuplée de rencontres inattendues, le parcours dans les montagnes françaises d’un ex taulard, homme brisé par un drame personnel insoutenable.
En prenant son destin en main, trouvera-t-il sa voie vers une impossible renaissance ?
PRESQUE LIBRE
Pierre-Yves TOUZOT
- 1- Sam
Sam eut subitement envie de s’arrêter. La rivière qu’il longeait depuis la n de la matinée s’écoulait paisiblement derrière de hautes herbes jaunies par le soleil. Sur la berge opposée, la forêt s’ouvrait sur une petite clairière, au milieu de laquelle se cachait une vieille caravane abandonnée bleu ciel. Sam enroula au mieux sa bâche en plastique de chantier verte autour de son sac à dos, retira ses chaussures, ses chaussettes et traversa la rivière. Le courant était doux, l’eau peu profonde, le sol sablonneux. Alors qu’il progressait lentement, de hautes algues ondulantes caressaient ses jambes. Dès qu’il fut sur l’autre rive, Sam déposa son sac, se déshabilla, mit ses vêtements mouillés à sécher et explora la caravane. L’habitacle était sale, le mobilier vétuste, mais les cloisons semblaient intactes et le toit étanche. Spontanément, Sam ouvrit les fenêtres en grand et y jeta tout ce qui traînait à l’intérieur. Une fois vidé de ses déchets, l’endroit prit un aspect plus accueillant. Satisfait, Sam s’assit sur les marches de l’entrée et observa les alentours. Un pneu usé accroché à une corde pendait sous la branche la plus basse d’un arbre imposant, vestige d’une époque lointaine où les enfants des villages voisins venaient encore s’amuser à se jeter dans l’eau en criant. En amont, un vieux ponton en bois branlant survivait à son inexorable destin sans plus recevoir la visite de pêcheurs du dimanche.
Un couple de cygnes nageait dans les eaux claires sous un immense saule pleureur. Au loin, aucune route, aucun bâtiment, aucune présence humaine ne venaient troubler la sérénité qui se dégageait des environs. L’endroit était parfait pour s’arrêter et se reposer.
Sam pro ta de l’après-midi pour nettoyer l’intérieur de la caravane ainsi que la petite clairière qui l’entourait. Il répartit le contenu de son sac à dos dans l’unique armoire de sa nouvelle demeure, lava quelques vêtements et pro ta de la chaleur de cette n de journée ensoleillée pour se prélasser longuement dans la rivière. Lorsque le soleil disparut derrière la cime des arbres, Sam alluma un feu qu’il alimenta avec tous les déchets collectés lors de son grand ménage. Il s’adossa contre la cloison de la caravane et sortit sa blague à tabac. Lentement, selon un rituel bien établi, il roula une cigarette, la seule qu’il s’autorisait à fumer chaque soir. Il jeta une poignée de riz dans l’eau frémissante d’une gamelle déposée sur le feu, puis il savoura en n sa clope du jour. Une fois son repas terminé, Sam s’installa dans son vieux duvet bordeaux, s’enroula dans la bâche et s’endormit presque aussitôt sous un ciel étoilé.
Le jour se levait à peine lorsqu’il rouvrit les yeux. Les ultimes braises du feu se consumaient lentement. La lumière douce du soleil levant réveillait les berges, plongeant le paysage dans une atmosphère onirique aux couleurs pastel. Au loin, sur les eaux encore endormies de la rivière, le couple de cygnes dansait dans une ne brume de surface qui se dissipait petit à petit. Sam resta immobile un long moment, à savourer ces instants de quiétude.
Une fois sorti de cette torpeur matinale, il prit un thé vert accompagné de biscuits secs, puis il entreprit une promenade à la découverte des environs. Pendant une heure, il marcha sous les arbres le long de la rivière. Il longea un sentier bordé de succulentes mûres et de noisetiers généreux.
Une laie passa au loin, suivie d’une demi-douzaine de marcassins. Plus loin, il récupéra un vieux fauteuil de jardin en fer rouge qu’il décida de rapatrier dans son nouveau campement. Lorsqu’il eut atteint la lisière de la forêt, il aperçut un village au loin.
Depuis plus d’un mois qu’il marchait, Sam évitait le contact avec le monde civilisé, mais de temps en temps, il devait faire des exceptions pour se ravitailler. Lorsque le contexte s’y prêtait, il en pro tait pour faire des tours de prestidigitation de rue dans l’espoir de gagner un peu d’argent. Il n’avait pas besoin de beaucoup pour vivre, mais ces revenus irréguliers étaient indispensables. Apparition et disparition d’objets, tours de passe- passe élémentaires, effets d’optique... Sa palette n’était pas large, mais elle suf sait à attirer l’attention des enfants et celle de leurs parents, qui acceptaient alors parfois de lui donner quelques pièces en échange de ces minutes de poésie. L’exercice était dif cile. Certains adultes détournaient les yeux de leurs enfants de ce vagabond qu’ils jugeaient dangereux. Souvent, leur mépris était af ché, leur regard sans pitié. Sam parvenait malgré tout à gagner suf samment pour acheter de quoi remplir son garde-manger ambulant. Sam espérait que les habitants de ce village lui réserveraient un bon accueil et se montreraient généreux.
979-10-97515-58-4
Livre broché - 223 pages
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